L’éducation bienveillante, fondamentale dans la construction du cerveau

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Le cerveau se développe surtout avant les 5 premières années et s’achève aux environs de 25 ans même s’il reste plastique. Il  sécrète en permanence des molécules chimiques et provoque des réactions électriques. C’est sans doute le morceau de l’univers le plus complexe avec ses cellules qui s’enchevêtrent et qui ont chacune une fonction bien déterminée. Les recherches actuelles montrent à quel point l’enfance est fondamentale dans  la construction du cerveau  humain. La clé de l’équilibre serait l’éducation bienveillante.

D’accord, nous le savions intuitivement,depuis longtemps, mais aujourd’hui, les neurosciences affectives et sociales* confirment que, d’une part,  le cerveau de l’enfant est beaucoup plus immature que nous l’avions imaginé jusqu’ à présent et, d’autre part, qu’une grande partie de ce cerveau est dédié aux relations sociales. Ainsi, l’environnement relationnel et affectif, dès la vie intra-utérine, va agir sur notre  cerveau cognitif en profondeur (facultés d’apprentissage, de mémorisation, de réflexion) et sur notre cerveau affectif. Catherine Gueguen explique que cet environnement relationnel et affectif influence la sécrétion des molécules cérébrales,  le développement des neurones, la myélinisation (la substance blanche qui entoure l’axe des neurones), les synapses (connections entre les neurones), les circuits neuronaux. Il  modifie les structures cérébrales, l’axe neuro – endocrinien (régulateur de stress) et l’expression de certains gènes. Rien que ça !

Importance de l’empathie dans l’éducation

Chez l’enfant, le cerveau étant vulnérable et malléable, les relations sociales vont avoir énormément  de répercussions sur son  comportement, l’expression de ses  émotions, sa physiologie, sa santé. Un enfant élevé avec empathie a beaucoup de chances de devenir empathique, un enfant élevé dans la violence a beaucoup de chance (ou plutôt de malchance) de devenir violent. La parole est essentielle, la psychanalyse ne nous contredira pas !

Nos trois cerveaux

Nous aurions trois cerveaux : le reptilien, le  limbique et  le néocortex, bien connectés les uns avec les autres.

 Le cerveau archaïque (reptilien) , que nous  avons en commun avec les reptiles, sert à notre survie (le « crocodile » de Catherine Aimelet Périssol). Il est constitué du tronc cérébral et du cervelet. Il est la clef de notre système défensif, attaché à la survie et commande nos réflexes de fuite, de lutte ou de sidération.

Le cerveau émotionnel (le système limbique) que nous  partageons avec tous les mammifères, est composé de l’hippocampe, de l’hypothalamus et de l’amygdale. Il a un rôle régulateur du cerveau archaïque. Il est tempéré par le cerveau supérieur, le néo-cortex, afin que les émotions ne soient pas trop envahissantes. Il a un rôle aussi dans l’apprentissage et la mémoire. IL réagit instantanément à nos pensées et envoie l’information au tronc cérébral, provoquant diverses réactions dans notre corps.

Le cerveau supérieur, le néo-cortex, représente 85 % du volume cérébral. Divisé en plusieurs lobes, il est le siège de l’apprentissage (comme le cerveau émotionnel), des perceptions sensorielles, du langage, de la conscience, des commandes motrices volontaires,  de la présence dans l’espace…Le lobe préfontal permet le raisonnement, la résolution des problèmes, l’empathie, l’imagination, la conscience de soi…

Nos émotions sont des signaux qui nous renseignent sur nos besoins

Les émotions sont biologiques. Elles nous renseignent sur nos besoins, permettent la connaissance de soi, condition essentielle pour nous construire et faire les choix qui nous correspondent vraiment. Il faut simplement accueillir ce que nous ressentons, sans jugement. Quand nous avons des émotions « positives », nous sommes en adéquation avec ce que nous vivons. En revanche, les émotions « négatives » indiquent que notre vie n’est pas conforme à nos désirs.

Déconnection et censure

Il arrive que les adultes soient déconnectés de leurs émotions. D’une part, parce que, face à des maltraitances, des humiliations,  ils ont  construit,  enfant, une cuirasse protectrice, d’autre part,  parce qu’ils n’ont pas eu  le droit d’exprimer des  émotions désagréables « je t’interdis de pleurer, je t’interdis de râler ». Antonio Damasio  a découvert que les patients qui ont le cerveau émotionnel lésé n’étaient plus capable de choisir leur conjoint, leur métier, leur lieu de vie, alors que leur intelligence était normale.

La maltraitance verbale et physique a des répercussions à l’âge adulte

L’ amygdale est le centre de la peur. Elle stocke tous les souvenirs de façon inconsciente pour  toute la vie. D’où, parfois, l’utilité d’exercices de régressions en thérapie, lorsque l’adulte est en souffrance et ne parvient pas à conscientiser ses traumatismes.

L’hyppocampe (référence à l’animal marin, dont il prend la forme) a une place centrale dans l’apprentissage et la mémoire consciente et  à long terme. Il  fabrique des neurones pendant toute notre existence. La maltraitance verbale ou physique diminue le volume de l’hyppocampe alors que l’empathie  va le développer.  Ainsi, la peur du regard de l’autre, les comparaisons induites par les notes, les « fautes » pointées du doigt altèrent l’apprentissage. Quand l’enfant a peur, il apprend mal,  a de mauvais résultats,  se sent en échec et risque de faire une phobie scolaire (le « burn-out des petits »).

 Votre enfant mord ou hurle à la crèche ?

Souvent, ce  sont les cerveaux archaïques et  émotionnels qui s’expriment. L’enfant ne sait pas pourquoi il est en colère, triste ou a peur. Comme le démontre Isabelle Fillozat, il ne s’agit absolument pas  de caprices ni des troubles pathologiques du développement ! Il a besoin d’être sécurisé, materné, consolé. Il faut également l’aider à exprimer ses émotions, à mettre des mots dessus. Car il n’a pas la possibilité physiologique de s’apaiser seul. L’attitude douce et chaleureuse de l’adulte, le ton, le son de sa voix, le regard participent de la bonne évolution de son cerveau. Au contraire, s’il n’est pas entouré dans l’enfance, il pourrait  ensuite avoir des tendances dépressives, anxieuses, agressives, être enclin aux addictions et au suicide, dépourvu de compassion pour autrui et de sens éthique. Les adultes très violents auraient le lobe préfontral atrophié, justement parce qu’ils n’ont pas eu une enfance protégée.

Ainsi, lorsqu’une personne en cabinet ne s’exprime pas bien et présente des troubles dissociatifs, il y a des chances qu’elle ait été maltraitée dans son enfance. Une parole humiliante suffit à retarder le langage. Le rôle du thérapeute est alors de restaurer la sécurité de base par exemple,  par l’haptonomie et la Communication Non Violente (CNV) ou la logique émotionnelle. Le patient s’entraîne à  verbaliser ses ressentis. Le travail d’auto-empathie, le non-jugement peuvent transformer l’adulte et donc ses propres rapports avec les enfants.

Du rire aux larmes

Une autre structure importante dans le développement du cerveau de l’enfant : le corps calleux qui réunit les deux hémisphères cérébraux. Si l’enfant passe sans transition du rire aux larmes, c’est parce que son corps calleux n’est pas complètement achevé. En l’aidant à exprimer ses émotions par des mots, il va activer son cerveau gauche et harmoniser petit à petit ses deux hémisphères. De même, grâce aux  fameuses neurones miroirs, l’enfant va « apprendre » les gestes qu’ils voient, imiter les comportements, vivre  les émotions de l’autre. Là encore, les adultes participent entièrement au développement du cerveau de l’enfant. Enfin, une étude monte que le stress et les traumatismes de la petite enfance peuvent diminuer les télomères, ces morceaux d’ADN, non codant, situé à l’extrémité de chaque chromosome et qui servent à les protéger.

 Et nos hormones ?

Le système neuro-endocrinien agit sur les surrénales qui déclenchent le cortisol qui peut altérer certaines zones cérébrales et détruire ou inhiber la croissance des neurones. Le système sympathique sécrète l’adrénaline et la  noradrénaline. Quand leur taux est normal, nous sommes bien préparés à l’activité physique et intellectuelle. Mais lorsqu’il est élevé, nous avons trop de lipides et nos artères peuvent se boucher (même celles des  enfants !).Le  cerveau archaïque est alors sollicité et nous sommes dans l’attaque, l’inhibition ou la fuite, l’hyper-  activité provoquée par le stress. Le système para – sympathique, au contraire, apaise et régule les émotions. Savez-vous que dès que vous consolez un enfant, vous activez son  système para – sympathique ?

Sécréter des molécules de bien-être

L’ocytocine est  l’hormone du lien, de l’amour, de la bienveillance. L’échange harmonieux, un regard chaleureux, un mot affectueux, un câlin, un baiser, un bain d’eau chaude, la tétée favorisent la sécrétion de l’ocytocine et donc engendrent la coopération à l’école ou l’intelligence collective à l’âge adulte. L’ocytocine agit sur les structures cérébrales  qui permettent de percevoir les émotions. Elle favorise l’empathie car elle aide à  décrypter les expressions du visage et des yeux (le regard est le reflet des émotions)  et à les interpréter. Du coup, elle stimule la confiance, l’altruisme, rend disponible, sans craintes, sans stress.

L’ocytocine déclenche la dopamine, l’hormone du plaisir de vivre, de la créativité, de l’innovation, de la curiosité. Elle active les circuits cérébraux du système motivation/récompense. Elle  nous conforte dans nos élans, nos projets, nos rêves. La dopamine déclenche également  les endorphines, les hormones du bien-être et la sérotonine qui stabilise notre humeur. Le stress bloque ces molécules : si l’éducateur est dans l’autoritarisme, l’enfant ne peut plus apprendre et n’éprouve plus de plaisir alors que le soutien, lui, conforte ses projets.

 Jouer et rire est fondamental chez l’enfant

Le jeu/je et la joie associée fertilisent la croissance des circuits entre le cortex pré-frontal et l’amygdale et participent à l’  intelligence sociale et émotionnelle. Les jeux de contact, particulièrement, ont des effets anti-anxiogènes naturels. L’enfant a besoin d’espace, de s’épanouir, de bouger, de libérer ses fonctions motrices. Rester assis toute la journée en classe est un paradoxe. L’éducation ne devrait pas être qu’intellectuelle. Il ne faut pas oublier l’émotionnel et le corps ! D’où l’importance des thérapies psycho-corporelles, ludiques et la méditation avec les patients trop « dans la tête ».

Ainsi, l’éducation aimante et ludique, l’histoire familiale construisent des personnes responsables. Et lorsque ce n’est pas le cas, l’adulte, heureusement, peut parfois résilier (merveilleux concept !) ou se lancer dans une thérapie pour comprendre et transformer ses schémas initiaux, travailler sur ses blessures. La relation thérapeutique est  salvatrice. Et restructure le cerveau. Il n’est jamais trop tard pour aller mieux !

* Elles ont pour champ d’études les émotions, les sentiments et les capacités relationnelles.

 Bibiographie :

Catherine Aimelet-Périssol : comment apprivoiser son crocodile

Christel Petitcollin : émotions mode d’emploi

Antonio Damasio : L’erreur de Descartes

Isabelle Fillozat : il n’y a pas de parents parfaits

Catherine Gueguen : Pour une enfance heureuse

Daniel J. Siegel et Tina Payne Bryson : le cerveau de votre enfant

(Source de l’image: le site « nos pensées »)